Depuis plus de deux décennies, le Partenariat Public-Privé (PPP) s’est imposé comme un levier majeur du financement du développement en Afrique. Face aux contraintes budgétaires, à la montée des besoins en infrastructures et à la volonté d’impliquer le secteur privé dans la croissance, les États africains misent sur ce modèle hybride pour accélérer la transformation de leurs économies.
Selon la Banque Africaine de Développement (BAD), le déficit annuel de financement des infrastructures en Afrique dépasse 100 milliards de dollars. Dans ce contexte, le PPP représente une solution pragmatique permettant de partager les risques, mobiliser les capitaux privés et garantir une meilleure efficacité dans la mise en œuvre des projets publics.
Cet article propose une analyse complète du PPP en Afrique, de ses mécanismes à ses succès récents, en passant par les défis de gouvernance et les opportunités d’investissement à l’horizon 2030.
1. Comprendre le concept de Partenariat Public-Privé
Le PPP désigne une collaboration contractuelle entre une autorité publique et une entreprise privée en vue de financer, construire, exploiter ou maintenir une infrastructure ou un service public. Contrairement à une simple délégation de service, le PPP implique un partage équilibré des risques et des responsabilités sur le long terme.
Les modèles de PPP les plus répandus incluent :
- BOT (Build-Operate-Transfer) : le privé conçoit, finance, exploite, puis transfère l’actif à l’État après une période définie.
- BOO (Build-Own-Operate) : le privé conserve la propriété et l’exploitation de l’infrastructure.
- DBFO (Design-Build-Finance-Operate) : le privé gère l’intégralité du cycle de vie du projet.
- Concession ou affermage : le privé exploite un service public contre redevance, tout en reversant une part à l’État.
2. Le contexte africain : un besoin colossal en infrastructures
Un déficit structurel
Les infrastructures de transport, d’énergie, d’eau et de santé demeurent sous-dimensionnées pour accompagner la croissance démographique et urbaine du continent.
- Moins de 50 % des Africains ont accès à une électricité fiable.
- Le coût logistique reste 30 à 40 % plus élevé que la moyenne mondiale.
- Le manque d’infrastructures limite la compétitivité et l’intégration régionale.
Le PPP comme alternative viable
Dans ce contexte, les PPP permettent de combiner les capacités financières du privé et les objectifs stratégiques du public. Ils offrent aux États une solution hors budget, tout en garantissant un transfert de technologie et une amélioration de la qualité de service.
3. Les secteurs porteurs du PPP en Afrique
a) Énergie et ressources
Les projets énergétiques sont les plus dynamiques du continent. Les centrales solaires et hydroélectriques financées en PPP — comme Benban en Égypte, Noor Ouarzazate au Maroc ou Azura Edo au Nigeria — illustrent la réussite de ce modèle. Ces projets contribuent à la sécurité énergétique et à la transition verte.
b) Transport et logistique
Les aéroports, ports et autoroutes sont des infrastructures privilégiées pour les PPP. Le port de Doraleh à Djibouti ou l’autoroute Abidjan–Grand-Bassam en Côte d’Ivoire démontrent l’efficacité de la gestion privée sous supervision publique.
c) Eau et assainissement
Le secteur de l’eau attire de plus en plus de PPP, notamment via des contrats de gestion et de performance. Le partenariat avec SODECI en Côte d’Ivoire reste un cas d’école dans la délégation de service public.
d) Santé et éducation
Les hôpitaux universitaires en PPP (comme au Kenya et en Afrique du Sud) et les écoles modulaires financées par le secteur privé constituent de nouveaux modèles de collaboration pour améliorer le capital humain.
4. Les avantages du PPP pour les États et les investisseurs
Pour les gouvernements :
- Accès à des financements privés sans accroître la dette publique.
- Transfert de compétences techniques et de risques opérationnels vers le privé.
- Accélération des délais de livraison et amélioration de la performance des services publics.
- Stimulation de la croissance locale par la création d’emplois et de sous-traitance.
Pour les investisseurs :
- Opportunités dans des secteurs à forte rentabilité et à long terme.
- Revenus stables via redevances, péages ou contrats d’achat garantis (PPA).
- Participation à des projets d’impact durable, alignés sur les critères ESG.
- Soutien des institutions financières (BAD, IFC, Proparco, Afreximbank) offrant des garanties de crédit et de change.
5. Les défis à surmonter
Malgré ses atouts, le PPP en Afrique se heurte à plusieurs obstacles structurels :
- Cadre juridique inégal : certains pays disposent de lois claires (Kenya, Maroc, Sénégal), d’autres manquent de réglementation précise.
- Manque de capacités institutionnelles : absence d’expertise dans la structuration, la négociation et le suivi des contrats.
- Risque politique : changement de gouvernement ou de priorités pouvant remettre en cause les engagements.
- Difficultés de financement local : faible profondeur des marchés de capitaux, coût élevé du crédit.
- Transparence et gouvernance : risques de corruption ou d’opacité dans la sélection des partenaires.
Pour surmonter ces défis, TEG Étude recommande la mise en place de unités PPP nationales, la création de fonds de garantie régionaux et le recours accru à la notation des projets pour attirer les investisseurs institutionnels.
6. Études de cas emblématiques
- Maroc – Complexe solaire Noor Ouarzazate : l’un des plus grands projets solaires au monde, développé sous forme de PPP, avec un financement mixte (BAD, KfW, Banque mondiale).
- Nigeria – Autoroute Lekki-Epe : projet en BOT impliquant des investisseurs locaux et étrangers, illustrant le modèle de recouvrement via péage.
- Kenya – Projet de logement abordable : partenariat entre le gouvernement et des promoteurs privés pour la construction de logements sociaux.
- Côte d’Ivoire – Port de San Pedro : modernisation portuaire sous concession privée, boostant les exportations agricoles.
7. Vers une nouvelle génération de PPP en Afrique
L’avenir du PPP africain réside dans :
- L’intégration des critères de durabilité et de transition énergétique.
- L’utilisation de la finance verte et bleue pour les infrastructures climatiques.
- La digitalisation des contrats (blockchain, smart contracts).
- L’émergence du PPP communautaire, associant collectivités locales et acteurs privés.
- Le développement de bourses régionales de projets favorisant la transparence et la liquidité des investissements.
L’objectif : bâtir des partenariats plus inclusifs, durables et performants, au service d’un développement africain souverain.